Le foot féminin en Belgique (2/3): Standard Femina, une passion et deux vies
Loin de l’univers superficiel des footballeurs, les Liégeoises respirent la simplicité.
- Publié le 06-06-2019 à 06h57
- Mis à jour le 06-06-2019 à 10h49
Loin de l’univers superficiel des footballeurs, les Liégeoises respirent la simplicité. "Allez les filles, on commence par des tours de stade !" Ce mardi 28 mai, Maurane Marinucci, capitaine depuis deux ans de l’équipe A du Standard de Liège, prend en main le dernier entraînement de la saison. Le staff est en effet occupé à préparer le repas de fin d’année prévu après la séance.
La défenseuse centrale âgée de 25 ans est chez elle ici. Originaire de Liège, elle a intégré le centre de formation en 2006. " Je n’ai pas passé de sélections car il n’y en avait pas à ce moment-là. Les recruteurs m’ont repérée, observée une ou deux fois et je suis arrivée. "
À ses côtés, 17 filles dans l’équipe première et 20 ans de moyenne. La plupart sont issues du centre de formation. Ce soir-là, pour le dernier entraînement avant les vacances, 12 ont chaussé les crampons. Plusieurs étudiantes du groupe sont déjà parties pour passer des examens ou des concours. Toutes doivent en effet cumuler vie personnelle, professionnelle et football.
Malgré un temps pluvieux, l’ambiance est légère sur la pelouse synthétique de l’Académie Robert Louis-Dreyfus. Regards complices, Lisa Lichtfus, 19 ans, et Constance Brackman, 17 ans, discutent et plaisantent tout en trottinant.
Les deux jeunes filles ont un " gros potentiel" selon leur entraîneur Hamide Lamara.
Lisa est gardienne comme son idole. " J ’ai toujours adoré Gianluigi Buffon, confie-elle avec un large sourire. Il dégage quelque chose sur le terrain. Et il a su rester constant même en prenant de l’âge. "
Cette blonde au visage enfantin n’a pas encore 20 ans mais elle est déjà internationale et compte sept sélections avec les Red Flames.
Originaire de Marche-en-Famenne, la jeune fille a commencé le football à 6 ans. Arrivée au Standard à 11 ans, elle n’a pas déménagé et faisait "la route tous les jours pour aller s’entraîner". Avoir deux vies à 60 km de distance, loin d’être facile pour l’étudiante en kinésithérapie qui vit désormais à Liège.
Mais les choses ne sont pas plus simples pour les jeunes femmes de la région de Liège. La capitaine, Maurane Marinucci, professeure de sport, a du mal à jongler entre ses différentes vies. "Il y a des moments plus ou moins compliqués à gérer. En fin de saison, on a enchaîné deux matchs par semaine. Donc quand on a une longue journée, qu’on finit à 18h et qu’on vient s’entraîner, on fatigue. Surtout en fin de semaine."
Le rythme est en effet très exigeant. Quatre séances par semaine dont une le samedi matin, sans compter la préparation physique.
Mais qu’est-ce qui pousse donc les footballeuses à continuer à jouer au plus haut niveau ?
"Les filles ne sont pas là pour l’argent, confie Jonathan Christodouleas, membre de l’administration du club. On rembourse leurs frais de déplacement et elles touchent un bonus éventuel. Au total, ça ne fait pas plus d’une centaine d’euros par mois. Finalement, ce sont des amateures d’un point de vue de financier mais elles bossent comme des professionnelles . "
Un rythme de pro mais aussi avec un staff complet, composé de neuf membres. Tous sont heureux de travailler pour la section féminine et préparent avec beaucoup de plaisir le repas de fin d’année. "Les garçons rouspètent tout le temps, ils essayent de tricher, peste le délégué Dany Decroupet, au club depuis une vingtaine d’années. Chez les filles, il y a de la spontanéité. Elles font ce qu’on leur demande sans broncher !"
L’entraîneur principal, Hamide Lamara, a quant à lui été agréablement surpris depuis son arrivée en 2016. "Je suis venu pour le challenge. J’ai rencontré la directrice technique du Standard Femina, Fery Ferraguzzi, elle m’a proposé de devenir coach de l’équipe A. J’ai accepté directement. Mais c’était la première fois que je m’occupais d’un groupe de filles. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Finalement, tout se passe bien. Elles partagent de bonnes choses, de bonnes émotions."
Et après trois années passées auprès des footballeuses, le Français de 44 ans n’a constaté aucune différence majeure entre garçons et filles. "J’ai entraîné des jeunes hommes en provincial à Verviers et à Malmedy. L’approche est exactement la même. La seule petite divergence, c’est sur le plan musculaire. Les garçons sont plus costauds."
Anne Radermacher, préparatrice physique des Liégeoises, partage l’avis du coach. "Il ne faut pas prendre les filles pour des nunuches mais les considérer comme les garçons, déclare-t-elle dans le couloir des vestiaires avant de remonter faire réchauffer les plats en cuisine. Par contre, chacune pratique le foot de façon différente, je trouve. Les hommes sont plus physiques et les femmes plus tactiques."
Il est 20 h au centre d’entraînement Robert Louis-Dreyfus. Les filles, toujours souriantes, ont fini leur séance et cèdent la place aux garçons. Elles ne refouleront la pelouse que mi-juillet pour la reprise. En attendant, Maurane, Lisa et leurs équipières vont partager un bon plat avec leur staff et savourer leur belle saison.
L’Académie avant tout
Le centre de formation est la clé de voûte de la section féminine du Standard.
Si la moyenne d’âge de l’équipe A du Standard est très basse (20 ans), c’est grâce au centre de formation du club dont beaucoup de filles sont issues.
"On organise des journées dedétection dès 7-9 ans pour les filles de la province de Liège, explique Jonathan Christodouleas, assistant de Fery Ferraguzzi, directrice technique des féminines du Standard. Pour les jeunes qui viennent de plus loin, on fait les détections un peu plus tard car l’éloignement peut être compliqué pour les enfants et leurs parents."
Le centre de formation est un véritable succès. Mais les infrastructures sont insuffisantes pour accueillir tout le monde. "C’est pour cela qu’on sélectionne les meilleures joueuses, justifie le professeur d’histoire géographie, bénévole à l’administration du Standard depuis 15 ans. La saison prochaine, on va tout de même passer de 100 à 120 filles car on va créer une nouvelle section, en U13."
Les footballeuses ont la possibilité de vivre près de Liège grâce à un partenariat avec un internat de Seraing. Chaque jour, elles viennent au centre d’entraînement avec une navette gratuite. Mais beaucoup font le trajet tous les jours.
"Quand elles viennent de la même région, les parents adoptent un système de covoiturage et se relaient pour les transporter à l’Académie Robert Louis-Dreyfus."
Le Standard n’oublie pas le plus important : l’école. "C’est la priorité car les filles ne pourront pas vivre du football, prévient Jonathan Christodouleas. On est attentif aux résultats scolaires. Quand le rythme est trop dur, certaines jeunes arrêtent le foot pour se concentrer sur leurs études. Souvent, ce n’est qu’une pause et elles reviennent plus tard."
Le Standard Femina en bref
Cette saison
8 équipes dont 5 de jeunes (de U11 à U16).
100 joueuses.
Historique
1971 : Création de la section par les Basketteuses du Standard.
1974 : L’équipe devient le Standard Fémina de Liège et obtient son premier titre de championne de Belgique.
1986 : Première Coupe de Belgique.
2012: Intégration au Standard de Liège masculin et changement de nom : Section féminine du Standard de Liège.